Garantie de passif et litige connu de l’acquéreur

L’acquéreur peut-il invoquer la garantie lorsque le passif ou la dépréciation d’actif incriminés n’apparaissant pas dans les comptes sociaux, mais que, en particulier à l’occasion d’un audit, il en a eu connaissance avant la cession, et qu’il a donc pu prendre cet élément en considération lors de la fixation du prix des titres ?

Dans un arrêt récent (Cass. com. 3-5-2018 n° 16-23.817 F-D, G. c/ Sté Mulberry), la Cour de cassation vient réaffirmer que celui qui cède les titres de sa société et consent une garantie d’actif et de passif, doit garantir l’acquéreur des conséquences d’un litige non provisionné dans les comptes de la société cédée.

Peu importe que l’acquéreur ait eu ou non connaissance du litige.

En l’espèce, la société avait été condamnée à indemniser un de ses clients avec lequel elle était en litige à la date de la cession des titres, et le cédant refusait de garantir l’acquéreur des titres de cette condamnation en faisant valoir que, même si ce litige n’avait pas été provisionné, l’acquéreur, qui avait participé à l’arrêt contradictoire des comptes de la société lors de la vente des titres, avait eu connaissance du risque.

Cet argument est écarté par la Cour de cassation car la garantie de passif stipulait que toutes les provisions pour risque avaient été comptabilisées, alors que le cédant n’avait pas provisionné les conséquences du litige en cours. Le cédant devait donc garantir l’acquéreur de la condamnation, peu important que ce dernier ait eu ou non connaissance du litige en cours.

La décision ci-dessus s’inscrit dans le fil de la jurisprudence selon laquelle la garantie joue pour tout passif qui n’est pas inscrit dans les comptes, même connu de l’acquéreur, dès lors que la clause de garantie ne fait pas de distinction selon que l’acquéreur avait ou non connaissance de la cause ou de l’origine du passif (Cass. com. 14-12-2010 n° 09-68.868 F-D : RJDA 3/11 n° 246 ; Cass. com. 12-5-2015 n° 14-13.234 F-D : RJDA 8-9/15 n° 571).

Tel était le cas en l’espèce. Aux termes de la garantie de passif, il était stipulé que la société avait « constaté toutes les provisions pour dépréciation, risques ou charges », mais il n’était pas prévu que la garantie ne s’appliquerait pas au passif non provisionné connu de l’acquéreur.

Par précaution, lors de la rédaction de la convention de garantie d’actif et de passif, les parties ont donc intérêt à préciser si elles entendent exclure de la garantie le passif non inscrit au bilan ou non provisionné mais dont l’acquéreur a néanmoins eu connaissance.

La même précaution n’est pas inutile dans les déclarations de sincérité portant sur le bilan.