
Stéphane MORER
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
La conception d’un terrain de golf et des installations attenantes doivent prendre en compte la sécurité des joueurs, mais aussi celle des personnes et bâtiments alentours. Autrement dit, les voisins ou promeneurs doivent aussi être protégés.
Le golf est un sport qui peut être très dangereux.
En cas d’accident, la détermination du responsable va différer selon la situation et non selon l’auteur du dommage.
Un accident intervenant entre deux joueurs licenciés sur le parcours se réglera par l’intermédiaire de leur assurance, dans la mesure où leur licence intègre une garantie spécifique.
Toutefois, Un golfeur n’est pas automatiquement responsable des dommages causés aux voitures ou aux maisons s’il frappe un mauvais coup.
La responsabilité de l’exploitant du golf peut être engagée à plusieurs titres, en fonction du statut des victimes et des circonstances : accessibilité au practice, accessibilité aux promeneurs profanes au parcours, installations de détente à proximité du parcours, etc.
En 2021, un promeneur a reçu une balle de golf en plein dans le visage lors de sa traditionnelle balade le long du parcours d’un golf en Dordogne. La balle a terminé sa course folle entre les deux yeux de ce retraité.
En l’absence de mesures de prévention et/ou de protection mises en place par l’exploitant, sa responsabilité civile et/ou pénale peut être engagée.
- Responsabilité civile délictuelle (articles 1240 et suivants du Code civil)
a) Faute de négligence ou d’imprudence
L’exploitant peut être tenu responsable pour manquement à son obligation de sécurité envers ses clients ou envers les tiers (comme les golfeurs).
Il en va ainsi de l’installation d’une terrasse sans protection contre les balles, constituant une faute de conception ou d’exploitation dangereuse.
La Cour de cassation (civile, Chambre civile 2, 12 juin 2014, 13-18.480, Inédit) a retenu que « les juges du fond ont constaté que la première partie du terrain située avant le restaurant et l’accueil était ouverte à la circulation publique ; qu’au-delà, aucun aménagement ni aucun panneau ne révélait la volonté du propriétaire d’interdire ou de restreindre la circulation publique ; qu’en l’état de ces éléments, les juges du fond ne pouvaient statuer comme ils l’ont fait sans procéder à d’autres constatations permettant de retenir la volonté du propriétaire d’interdire la circulation publique dans la seconde partie du terrain et de mettre en évidence l’existence d’une voie interdite à la circulation publique ».
Cette responsabilité a été reconnue également par différents arrêts :
- La Cour d’appel de Pau, (1ère chambre, 12 avril 2022, n° 17/01702) a relevé la responsabilité de l’exploitant en reconnaissant le risque de blessures causées par les balles de golf et a ordonné l’installation d’un filet de protection pour protéger la demanderesse. « La cour a reconnu que le risque de blessures causées par les balles de golf est réel et a ordonné l’installation d’un filet pour protéger la personne de la demanderesse. »
- La cour a retenu la responsabilité délictuelle de l’exploitant du golf pour ne pas avoir assuré la sécurité du parcours. « La cour a retenu que la SA GOLF CLUB D’ALBON avait commis des fautes en n’assurant pas la sécurité du parcours et en remettant les clés à une personne non licenciée. » Cour d’appel de Grenoble, 13 septembre 2016, n° 12/02259.
- La cour a estimé que l’exploitant du parc n’avait pas respecté son obligation de sécurité, ce qui a conduit à l’accident. « La cour a estimé que la société n’avait pas mis en œuvre toutes les mesures de sécurité nécessaires, ce qui a conduit à l’accident. » (Cour d’appel de Douai, Troisième chambre, 18 octobre 2018, n° 16/03890).
- Dans l’arrêt Cour d’appel de Grenoble, (13 septembre 2016, n° 12/02259), la cour a retenu la responsabilité délictuelle de l’exploitant du golf pour ne pas avoir assuré la sécurité du parcours et pour avoir remis les clés à une personne non licenciée. « La cour a retenu que la SA GOLF CLUB D’ALBON avait commis des fautes en n’assurant pas la sécurité du parcours et en remettant les clés à une personne non licenciée. »
Cette responsabilité a également été reconnue pour la location de matériel et l’accessibilité aux installations à des personnes non formées sans encadrement, en application d’un manquement à l’obligation de prudence.
b) Mise en danger des tiers
L’exploitant peut être responsable sur ce fondement s’il laisse des personnes non autorisées ou non encadrées accéder au practice ou au parcours.
2. Responsabilité du fait des choses (article 1242 alinéa 1 du Code civil)
- Cette responsabilité objective peut être engagée même sans faute si une « chose » (le parcours, une balle, un club…) est à l’origine du dommage.
- Le gardien de la chose, à savoir l’exploitant, est responsable.
- Par exemple, un client reçoit une balle sur la terrasse. Le golf ou l’hôtel pourrait être tenu responsable si l’on prouve que la terrasse est installée de manière à exposer les clients à un tel risque.
3. Responsabilité contractuelle (article 1231-1 du Code civil)
- Si la victime est cliente de l’exploitant, une obligation de sécurité pèse sur le prestataire dans le cadre du contrat de séjour ou de location.
- Le client blessé pourrait demander réparation sur le fondement de la mauvaise exécution du contrat, notamment en cas :
• d’absence de signalisation ou de prévention des risques,
• de défaut d’encadrement lors de l’accès au practice.
4. Responsabilité pénale
- En cas de blessure grave, l’exploitant pourrait être poursuivi pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui (article 223-1 du Code pénal) ou blessures involontaires (articles 222-19 et suivants). Il convient de rappeler que si l’exploitant a consenti une délégation de pouvoir à son directeur, cette délégation ne l’exonère pas pour autant de toute responsabilité pénale.
- L’absence de mesures de sécurité, l’autorisation de comportements dangereux sur le parcours ou la négligence en matière d’encadrement peuvent caractériser une faute pénale. Cour d’appel de Rouen, Chambre correctionnelle, 18 novembre 2010 : Cette décision souligne l’importance de fournir des équipements conformes et de garantir la sécurité des opérations effectuées par les salariés. « La cour a constaté que les faits reprochés à A-S T étaient établis et constituaient une violation manifeste d’une obligation de sécurité, justifiant la confirmation du jugement. » Cour d’appel de Rouen, Chambre correctionnelle, 18 novembre 2010.
Afin d’évaluer l’éventuelle responsabilité de l’exploitant au regard de son obligation de sécurité envers ses clients, il sera vérifié si l’exploitant a pris des mesures adéquates pour sécuriser les lieux et prévenir les accidents et/ou veiller à ce que son personnel ait respecté ou fait respecter les consignes de sécurité. Cela inclut la sécurisation des accès, la surveillance des installations, et la mise en place de signalisation appropriée. Il sera également vérifié si le joueur auteur d de l’accident était titulaire d’une licence FFG. En effet, l’assurance responsabilité civile d’un joueur ne peut se substituer à cette licence et l’assurance qui en résulte sans vérifier si l’activité sportive est garantie par celle-ci . Également l’assurance responsabilité civile ne couvre pas tous les dommages. Si la vérification n’est pas légalement obligatoire, un manquement au devoir de prudence et de sécurité peut se poser.
Le 10 Juillet 2025
Stéphane MORER