LA LBO N’EST PAS FORCEMENT UN LONG FLEUVE TRANQUILLE !

Le montage classique de rachat des titres d’une société consiste en la mise en place d’une holding qui contracte un emprunt bancaire et qui rembourse cet emprunt grâce aux dividendes que lui reverse la société rachetée, c’est ce que l’on appelle un LBO.

Ceci présuppose bien évidemment que pendant la durée de l’emprunt, en général 7 ans, la société rachetée générera suffisamment de bénéfices pour les distribuer sous forme de dividendes à la holding.

Mais quid si ce n’est pas le cas ?

La Cour de cassation a rendu il y a quelques semaines (Cass. com. 9-9-2020) un arrêt sur le sujet concernant une société rachetée dans le cadre d’un LBO, mise en redressement puis en liquidation judiciaire trois ans après son rachat.

La Cour de cassation a considéré que les dirigeants de la société rachetée avaient commis une faute de gestion en distribuant des dividendes au holding alors que la situation de trésorerie de la société rachetée était obérée, et les a condamnés à supporter personnellement les dettes de cette société.

L’argument de défense du dirigeant de la société, également président de la holding, qui peut sembler un peu naïf, était tout simplement de considérer que les distributions de dividendes étaient inévitables dans le cadre d’un LBO…

Or la Cour de cassation rejette cet argument en rappelant un principe, somme toutes évident, à savoir qu’une décision de verser des dividendes doit être prise en fonction de la situation de la société susceptible de verser lesdits dividendes et en particulier en fonction de sa trésorerie, et certainement pas en fonction des besoins ou des souhaits de son actionnaire, en l’occurrence la holding de rachat.

Au cas particulier, les juges du fond avaient relevé que les décisions de distribution des dividendes, prises sur proposition des dirigeants, avaient privé la société rachetée de fonds qui lui auraient permis de faire face à ses dettes échues à la date de la cessation des paiements, la distribution incriminée ayant été décidée malgré l’augmentation notable du besoin en fonds de roulement, la baisse des fonds propres et l’importante régression des résultats.

Les dirigeants de la société contestaient également l’existence d’un lien entre les distributions de dividendes et l’insuffisance d’actif de la société, qui avait été constatée bien plus tard, or la Cour de cassation rappelle qu’il était indifférent que la faute reprochée soit antérieure de trois ans à la constatation de l’insuffisance d’actif de la société, car les distributions de dividendes avaient privé la société de réserves anciennes qui auraient pu être affectées au règlement des dettes échues au moment du dépôt de bilan de la société.

Au cas d’espèce, la Cour de cassation vient donc préciser que le long délai écoulé entre la faute de gestion reprochée au dirigeant, à savoir la distribution de dividendes, et le moment où l’insuffisance d’actif est constatée ne suffit pas, à lui seul, pour exclure sa responsabilité.