Rachat de titres avant cession de la société, des précautions à prendre

Il arrive fréquemment, lorsque le capital social est détenu en partie par des associés minoritaires, que l’associé majoritaire procède à un rachat des titres des minoritaires, avant la vente de la société, alors que des négociations sont déjà entamées avec l’acquéreur.

Cette démarche peut s’inscrire dans un souci de simplification dans l’optique de la vente de la société (un seul signataire du protocole et des actes de vente des titres), et dans le but d’éviter aux minoritaires d’avoir à prendre un engagement dans le cadre de la garantie d’actif et de passif qui sera demandée par l’acquéreur ; mais il peut également s’agir d’une volonté de la part du majoritaire de réaliser seul la plus-value à l’occasion de la vente de la totalité des titres de la société.

Or, par un arrêt récent (Cass. com. 10-7-2018 n° 16-27.868 F-D, Sté Pléiade c/ F), la Cour de cassation a considéré que le dirigeant d’une société qui achète les titres d’un associé manque à son devoir de loyauté si il n’informe pas l’associé cédant de négociations en cours avec un tiers en vue de la revente des titres objet de la cession, peu important l’état d’avancement de ces négociations..

En l’espèce, les deux associés d’une SARL détenaient chacun la moitié du capital. En décembre 2009, le gérant, associé de la SARL, achète les parts de son coassocié à un prix de 25.000 € et en mars 2010, il revend la totalité des titres pour un prix global de 528.000 €.

L’associé cédant demande alors des dommages-intérêts au gérant, faisant valoir que ce dernier a manqué à son devoir de loyauté à son égard en lui dissimulant les négociations en cours tendant au rachat de la SARL pour un prix par titre bien supérieur à celui qu’il a perçu.

Selon une jurisprudence constante, le dirigeant doit informer les associés cédants de l’existence de négociations parallèles avec un tiers en vue du rachat des titres, il doit aussi leur communiquer les conditions du rachat, y compris le prix, même s’il est tenu par une clause de confidentialité envers le tiers repreneur.

Dans son arrêt du 10 juillet 2018 précité, la Cour de cassation affirme pour la première fois que cette information est due quel que soit l’état d’avancement des négociations. Il importe peu que le repreneur n’ait pas encore pris d’engagement ferme.

Le manquement du dirigeant à son obligation d’information à l’égard des associés cédants est parfois assimilé à une réticence dolosive ce qui permet aux associés cédants de demander l’annulation de la cession. En pratique, ce sont des dommages-intérêts qui sont généralement demandés sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.