Convention collective: mode d’emploi

Le droit social est ainsi fait que l’employeur, armé de son Code du travail et de sa convention collective, se voit tout de même condamné devant nos juridictions alors qu’il pensait avoir respecté les textes législatifs et conventionnels.

Il a souvent tendance à oublier la position de la Cour de Cassation dont les décisions ne sont qu’une interprétation des textes.

La notion même d’interprétation des textes donne un caractère rétroactif à la règle de droit qu’elle définit au fur et à mesure de ses décisions.

Il en a été ainsi avec les arrêts relatifs au forfait jour imposant à l’employeur une obligation de suivi qui n’était ni prévue par les textes ni par certaines convention collectives.

Le plus souvent, des employeurs se sont vus condamnés sur le fondement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse pour avoir eu recours à un motif existant depuis des années mais remis en cause après qu’ils aient notifié au salarié la rupture de son contrat de travail.

Il est particulièrement difficile d’anticiper la position à venir de la Cour de cassation sur des dispositions légales ou conventionnelles.

S’agissant le plus souvent de textes généraux, leur rédacteur ne peuvent donner un mode d’emploi précis pour certaines clauses.

En outre, le droit social étant une matière pour le moins dynamique (multiplicité des textes de lois, évolution de plus en plus rapide de la jurisprudence, etc.), l’employeur ne peut sans risque utiliser ad vitam æternam le même contrat de travail.

Les obligations visées dans la convention collective imposent à l’employeur d’autres obligations rédactionnelles qui, si elles sont omises, risquent d’engendrer des condamnations pécuniaires.

Les recommandations ci-dessous visées seront parfois illustrées de propositions rédactions de courriers ou clauses contractuelles.

La notion d’exclusivité dans les contrats de travail

De tout temps, les contrats de travail prévoyaient une clause d’exclusivité ou de non cumul d’emploi motivée par un souci de protection de l’employeur contre des actes de concurrence pendant l’exécution du contrat.

La mode actuel étant de prévenir les risques d’atteinte à la santé du salarié, il est recommandé de justifier aujourd’hui la clause d’exclusivité par un souci de protection du salarié contre le dépassement de la durée maximum de travail hebdomadaire.

Les partenaires sociaux qui ont négocié les termes de la convention collective de l’immobilier ne s’y sont pas trompés au regard de la rédaction de l’article 14.2 –«  Cumul d’emploi » qui dispose :  « L’exercice d’une autre activité rémunérée n’est possible que si elle s’effectue dans une autre branche sauf mandat de représentation ou accord exprès de l’employeur, et si le temps de travail n’excède pas la durée maximale légale, rappel fait des dispositions des articles L. 324-9 « L. 8221-1» et suivants sur le travail dissimulé« .

Il est donc recommandé de rédiger la clause d’exclusivité de la manière suivante :

« Afin d’éviter que Monsieur xxxx ne cumule plusieurs emplois ce qui pourrait le priver de son repos quotidien et hebdomadaire, et l’amener le cas échéant, à dépasser la durée maximale journalière et/ ou hebdomadaire de travail qui est source de fatigue de nature à accroître les risques d’accident et d’altérer son état de santé, il est expressément convenu qu’il réservera l’exclusivité de son activité professionnelle à la société.

Par conséquent, Monsieur xxxx s’interdit d’exercer conjointement à l’activité qui fait l’objet du présent contrat, toute autre activité professionnelle rémunérée, salariée ou non, même non concurrente à celle de la société.

Toute dérogation à la présente clause ne pourra se faire qu’après un accord expreès de l’employeur et à la condition que le salarié justifie :

qu’il ne s’agirait pas d’une activité concurrente ou de nature à porter préjudice à la société ;

que la durée du travail ajoutée à celle de l’activité exercée pour son compte n’excède pas la durée maximale de travail telle que fixée aux articles L. 3121-34 et suivants du Code du Travail ;

que le cumul des activités n’est pas de nature à altérer la santé de Monsieur xxxx et accroître les risques d’accident du travail ou de trajet en le privant de son repos quotidien ou hebdomadaire.

L’employeur sera en droit de prononcer toute sanction disciplinaire qu’il jugera utile dès lors que le salarié lui aura transmis, pour obtenir son consentement, des informations erronées ou ne l’aura pas informé de toute modification de sa situation telle que visée dans la présente clause et l’amenant à en violer tout ou partie desdites dispositions. »

Il faut enfin savoir que la clause d’exclusivité ne peut être insérée que dans les contrats à temps plein.

En effet, il est inenvisageable d’interdire à un salarié à temps partiel de ne pas exercer une autre activité.

Il est d’ailleurs préférable de préciser dans le contrat une clause «  Cumul d’activité » qui précise que le salarié étant engagé dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel, n’est soumis à aucune clause d’exclusivité. Il pourra donc exercer parallèlement une autre activité professionnelle. Cette activité ne devra toutefois pas être de nature à porter préjudice aux intérêts légitimes de l’entreprise. Le salarié s’engage par ailleurs à en informer préalablement son employeur.

Si, par erreur, le contrat à temps partiel contient une clause d’exclusivité, le salarié risque d’être considéré comme étant en permanence à disposition de l’employeur. En cas de contentieux, les magistrats auront donc la possibilité de requalifier son contrat à temps partiel en contrat à temps plein et de faire droit à une demande de rappel de salaires.

Portabilité de la prévoyance

L’avenant n°48 de la convention collective prévoit la possibilité pour les employeurs d’adhérer auprès d’un organisme assureur à un régime de prévoyance.

Les partenaires sociaux on négocié un Accord National Interprofessionnel le 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, imposant à l’employeur (article 14) d’informer le salarié de son droit d’accès à la portabilité des droits à la prévoyance complémentaire en cas de rupture de son contrat de travail.

Il faut donc, soit dans la lettre de rupture soit par courrier séparé quelque soit le mode de rupture mentionner au salarié qu’à compter de la rupture effective de son contrat, il pourra, s’il le souhaite, conserver le bénéfice des couvertures santé et couvertures prévoyance en vigueur dans l’entreprise pour une durée égale à la durée de votre contrat de travail, appréciés en mois entiers et dans la limite de 9 mois de couverture.

Il faut également lui préciser :

  • Que lui seront maintenues les garanties dont bénéficient les salariés de l’entreprise durant sa période de chômage, autorisant la portabilité de ces droits.
  • que toute évolution collective de ces garanties à compter de la rupture effective du contrat vous sera donc opposable.
  • que le maintien desdites garanties cessera donc à l’issue d’une période de neuf mois ou auparavant si vous cessez de bénéficier des allocations chômage pour quelque cause que ce soit.
  • que le financement du maintien de ces garanties est assuré conjointement par la société et par vous-même dans les proportions et dans les conditions applicables aux salariés de l’entreprise.
  • qu’il sera donc redevable des contributions salariales au financement des garanties précitées ainsi que de la CSG-CRDS applicable aux contributions patronales finançant lesdites garanties.
  • et qu’à cet égard, il a la possibilité de verser en une seule fois le montant de la totalité de la participation dont il est redevable pour la durée du maintien des garanties auxquelles il peut prétendre, à charge pour lui d’obtenir le remboursement du trop versé en cas de reprise d’activité professionnelle ou s’il cesse, pour quelque cause que ce soit, de bénéficier des allocations chômage avant la fin de la période de portabilité.
  • que le non-paiement de sa quote-part de financement de ces garanties, à la date d’échéance des cotisations, libérera l’entreprise de toute obligation et entraînera pour lui la perte des garanties pour la période restant à courir.
  • que pour pouvoir bénéficier de la portabilité de ces droits de prévoyance complémentaire, il lui appartient de fournir à l’employeur la justification de sa prise en charge par l’assurance chômage et d’informer l’employeur de tout changement ultérieur de sa situation professionnelle susceptible de justifier la cessation de ces garanties.
  • qu’enfin, il a la possibilité de renoncer au maintien de ces garanties en le notifiant expressément par écrit dans les dix jours à compter de la rupture de votre contrat de travail et qu’en cas de renonciation de sa part, celle-ci est définitive et concerne l’ensemble des garanties de prévoyance et de santé ; sachant qu’à défaut de renonciation expresse par écrit dans le délai de 10 jours, il sera réputé avoir accepté le bénéfice desdites garanties.

A défaut, l’employeur risque de se voir opposer une demande d’indemnisation pour défaut d’information de la portabilité de la prévoyance.

Période d’essai

La loi du 26 juin 2008 a allongé la durée de la période d’essai en allongeant d’un mois la durée initiale de chaque catégorie de personnel et en revoyant à la convention collective pour déterminer la durée de son renouvellement.

Toutefois, l’article L 1221-22 du code du travail dispose que le caractère impératif de la durée de la période d’essai visée aux articles L 1221-19 et L1221-20 du code du travail s’oppose à trois exceptions et notamment une durée plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi.

Or un avenant n°44 a été conclu entre les partenaires sociaux le 23 juin 2009, applicable dès le 1er juillet 2009, disposant:

Pour les contrats à durée indéterminée : 

  • E1 : 1 mois renouvelable 1 mois
  • E2 : 2 mois renouvelable pour 1 mois
  • E3 : 2 mois renouvelable pour 1 mois
  • AM1 : 3 mois renouvelable pour 1 mois
  • AM2 : 3 mois renouvelable pour 3 mois
  • C1 : 3 mois renouvelable pour 3 mois
  • C2 : 3 mois renouvelable pour 3 mois
  • C3 : 3 mois renouvelable pour 3 mois
  • C4 : 3 mois renouvelable pour 3 mois

Concernant le statut spécifique des négociateurs immobiliers :

  • Pour les négociateurs non VRP : 3 mois renouvelable 3 mois
  • Pour les négociateurs VRP : 3 mois maximum renouvellement inclus.

Il faut bien évidement préciser dans le contrat la durée de la période d’essai ainsi que le principe de son renouvellement pour pouvoir l’opposer au salarié.

Ne sont décomptés dans le calcul de la durée de la période d’essai que les jours de travail effectif.

En cas de suspension du contrat de travail (congés, arrêt maladie), les jours correspondant se reportent d’autant dans le calcul de la durée de la période d’essai.

Ainsi un salarié dont la période d’essai est d’un mois, bénéficie de trois jours de congés sans solde verra sa période d’essai allongée de 3 jours.

Un salarié bénéficiant d’un congé maternité durant sa période d’essai, verra cette dernière être allongée d’autant.

Si l’une des parties au contrat souhaite renouveler la période d’essai, la convention collective ainsi que la loi impose que ce renouvellement se fasse par écrit devant comporter l’accord exprès du salarié.

Il faut toutefois savoir qu’une lettre de l’employeur informant son salarié du renouvellement de sa période d’essai s’analyse en un renouvellement illicite puisque son accord n’est pas recherché.

En conséquence, la rupture de la période d’essai, durant sa période de renouvellement s’analyserait en un licenciement abusif et permettrait au salarié d’obtenir le paiement de son indemnité de préavis, des congés payés y afférant ainsi que des dommages-intérêts.

La solution sera la même si l’employeur se contente de faire signer au salarié un avenant sans autre mention.

Les magistrats considèrent que la simple signature de l’avenant prouve que le salarié se l’est bien faire remettre mais ne prouve pas qu’il a donné son accord.

Il faut donc que le salarié mentionne à minima «  bon pour accord » afin de permettre à l’employeur de justifier qu’il a obtenu du salarié son consentement clair et non équivoque.

Cet avenant doit être proposé et signé avant le point de départ de la nouvelle période de  renouvellement

L’employeur devra stipuler expressément dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail la durée de la période d’essai et de son renouvellement éventuel. L’opposition du salarié à ce renouvellement devra se faire par écrit avant que ne s’ouvre la nouvelle période de renouvellement.

Lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

  1. Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;
  2. Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;
  3. Deux semaines après un mois de présence ;
  4. Un mois après trois mois de présence.

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Toutefois, la loi ne prévoit pas de sanction en cas de non respect du délai de prévenance.

La Cour de Cassation ne semble pas avoir encore eu l’occasion de statuer sur ce point.

Il semble nécessaire de prendre quelques précautions en cas de non respect du délai de prévenance :

Il faudra mentionner dans la lettre de rupture de la période d’essai au salarié qu’il cessera toute activité et de faire parti du personnel le jour du terme de sa période d’essai tel que mentionné au contrat.

L’employeur devra en revanche sans demander au salarié de travailler, ce dernier ne faisant plus parti des effectifs, indemniser le nombre de jours de dépassement du délai de prévenance.

Il est tout de même préférable de respecter le calendrier car la question se pose de savoir si le salarié ne serait pas en droit de demander l’indemnisation d’un préjudice moral résultant de la croyance d’être pérenniser dans son emploi du fait de la carence de l’employeur à ne pas avoir respecter le délai de prévenance.

Enfin, lorsqu’il est mis fin à la période d’essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l’entreprise est inférieure à huit jours.

Commission et congés payés

L’article 7 de l’accord du 15 juin 2006 de la Convention Collective relatif au statut du négociateur de l’immobilier précise que ce dernier peut inclure dans le paiement des commissions des négociateurs immobiliers une indemnité de congés payés.

Toutefois, le contrat de travail doit mentionner expressément le taux de commission et sa majoration au titre des congés payés.

A défaut de respecter cette obligation, la clause prévoyant l’intégration des congés payés dans les commissions n’a aucune validité et ne peut être appliquée.

Si le contrat de travail prévoit l’inclusion d’indemnités de congés payés dans les commissions sans mentionner les taux de majoration des congés payés, il ne respectait donc ni les dispositions de la convention collective applicable, ni les dispositions légales.

Le salarié est donc en droit de solliciter une indemnité de congés payés correspondant à 1/10ème des commissions perçues.

Afin d’éviter ce désagrément, il est obligatoire de rédiger avec précision la clause de commissionnement intégrant l’indemnisation des congés payés.

Ainsi, un négociateur qui perçoit une commission égale à 10% de la commission perçue par l’agence, il faudrait préciser dans le contrat le texte suivant : cette commission de 10% est décomposée comme suit : 9% au titre de la commission et 0,99% au titre des congés payés et 0,01% au titre des congés sur les congés.

Il est préférable avant de faire un signer un contrat de travail ou de notifier une rupture d’un contrat de vérifier quels sont les régimes juridiques à respecter.

Il est toujours délicat de demander à un salarié d’accepter de signer un avenant à son contrat au seul motif que certaines clauses sont entachées de nullité ; nullités qui lui permettrait de « monnayer » son départ quel que soit l’auteur de la rupture.

Il est également très frustrant de devoir régler des condamnations à un salarié dont le licenciement est reconnu comme fondé en raison d’omission purement rédactionnel par méconnaissance  des évolutions législatives.

Une succession de demandes financières s’appuyant sur des dispositions de la convention collective peut d’ailleurs être plus rémunératrice pour le salarié que la seule demande d’indemnisation de son licenciement.