Le prêt de main d’oeuvre

L’article L.8241-1 du Code du travail interdit toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’œuvre. Autrement dit, si une société met à disposition un salarié au profit d’une autre de façon exclusive, elle ne doit en tirer aucun profit ; sauf exceptions comme le travail temporaire, le portage salarial.

Mettre à disposition de façon exclusive signifie que l’opération consiste à mettre uniquement à disposition du personnel. Si celle-ci résulte d’un autre objet et est la conséquence d’une autre opération, par exemple, le prêt d’une machine pour laquelle il faut un conducteur, le prêt de main d’œuvre ne sera pas caractérisé.

Le prêt de main d’œuvre illicite est puni de 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende.

A l’inverse, selon l’article L.8241-2 du Code du travail, les opérations de prêt de main d’œuvre à but non lucratif sont autorisées.

Depuis la loi du 28 juillet 2011, il faut savoir que le but non lucratif se caractérise lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

En conséquence, le prêt de main d’œuvre illicite remplit deux conditions : le but lucratif et le caractère exclusif du prêt. Ce dernier critère permet de rendre licite les prêts de main d’œuvre compris dans des contrats plus vastes comme le contrat d’entreprise ou sous-traitance.

Une série d’arrêts, intervenus ces derniers douze mois, apportent des précisions sur les conditions de licéité du prêt de main d’œuvre.

  • la société prêteuse doit bénéficier d’un savoir-faire spécifique (Cour d’appel de Lyon du 19 décembre 2014).

L’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 28 janvier 2015 définit les contours de la notion de savoir-faire spécifique en estimant que deux sociétés d’informatique exercent des activités différentes, de sorte que le prêt de main d’œuvre est licite. Ainsi, le secteur d’activité ne peut être que légèrement différent pour admettre la mise à disposition.

  • De plus, le lien de subordination entre la salariée et la société prêteuse a été maintenu.
  • Le salarié mis à disposition doit signer avec son employeur un avenant à son contrat de travail précisant les caractéristiques du poste qui sera confié au salarié (travail confié, horaire, lieu d’exécution du travail…). Si la société prêteuse a mis en place des institutions représentatives du personnel, l’employeur doit procéder à une information consultation de celles-ci (Cour d’Appel de Paris – 22 janvier 2015).

Enfin la convention de mise à disposition doit définir la durée de la prestation (possibilité d’inclure une clause de renouvellement), l’identité et la qualification du salarié, le mode de détermination des salaires, charges sociales et frais professionnels facturés.

Le caractère non lucratif de la relation résulte du fait que la société prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice que la stricte valeur des rémunérations versées au salarié et les charges sociales afférentes. Le fait que le coût administratif de la gestion du poste équivalent à 1% des rémunérations ait été facturé ne modifie pas ce caractère. Ainsi, la mise à disposition n’était source de profit pour aucune des sociétés.

Les contrats de sous-traitance et de régie ne sont pas concernés par ces dispositions dès lors que les règles spécifiques à ces contrats sont respectées.

Lucile DOUCHET                                                    Stéphane MORER