L’abandon de poste et la présomption de démission : évolution jurisprudentielle

Stéphane MORER 

Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés

 

La loi du 21 décembre 2022 et son décret d’application du 17 avril 2023 ont créé les articles L. 1237-1-1 et R. 1237-13 du code du travail.

L’article L. 1237-1-1 du code du travail dispose :

« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. »

Il est important de rappeler que l’abandon de poste fondé sur un motif légitime ne peut être considéré comme volontaire faisant ainsi obstacle à l’application de la présomption de démission lorsqu’il est actif par le salarié.

Trois questions se posent alors :

La première question qui se pose est de savoir si l’employeur est obligé de mettre en place cette procédure ou s’il garde la possibilité d’envisager une procédure de licenciement.

La seconde est de savoir si cette procédure est applicable à toutes les situations.

Enfin, il convient de s’interroger sur la réaction à tenir en fonction de l’attitude du salarié.

1.La présomption de démission s’impose-t-elle à l’employeur ?

Certains employeurs sont persuadés qu’en cas d’abandon de poste du salarié, ils n’ont d’autre choix que de mettre en place cette procédure de présomption de démission.

Or il n’en est rien ainsi que rappelé par le Conseil d’État (CE, 18 déc. 2024).

L’employeur, en fonction des situations devant lesquelles il se trouve, conserve donc la possibilité d’engager une procédure de licenciement.

2.Situations interdisant le recours à la procédure de présomption de démission

La présomption d’abandon de poste n’est pas applicable :

 – aux salariés en CDD ;

– à la période d’essai ;

– aux salariés protégés.

3. Procédure de rupture en cas de présomption de démission

Selon l’article L. 1237-1-1 du code du travail, en cas d’abandon de poste volontaire par un salarié, l’employeur le met en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai minimum de 15 jours.

En fonction de l’attitude du salarié, l’employeur devra arbitrer entre le maintien de la procédure envisagée, son abandon ou la mise en place d’une procédure disciplinaire.

Le salarié reprend son poste de travail.

Si le salarié reprend son poste avant le terme du délai imparti dans la mise en demeure, il n’y a plus présomption de démission. La procédure engagée par l’employeur doit s’interrompre, sauf à envisager une procédure de licenciement pour absence injustifiée.

Le salarié ne prend aucune initiative.

Si le salarié ne répond pas, ne reprend pas son poste, ou s’il répond qu’il ne reprendra pas son poste sans opposer de motifs légitimes pour justifier son absence, il sera présumé démissionnaire.

Il conserve toutefois la possibilité de faire requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil des prud’hommes devant statuer dans le mois de la saisine.

Le salarié justifie son abandon de poste par un motif légitime.

La justification auprès de l’employeur d’un motif légitime fait obstacle à une présomption de démission. Le salarié indique le motif qu’il invoque dans la réponse à la mise en demeure.

Sont notamment respectés par l’article R. 1237-13 du code du travail comme des motifs légitimes, des raisons médicales, l’exercice du droit de retraite, le droit de grève, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur. 

D’une manière générale, est également considéré comme un motif légitime tout manquement imputable à l’employeur qui pourrait être opposé comme étant à l’origine de l’abandon de poste.

Dès lors que cette justification est mentionnée dans sa réponse à la mise en demeure, la procédure engagée doit cesser.

Si l’employeur considère que le motif opposé par le salarié n’est en rien légitime, il aura la possibilité de mettre en place une procédure de licenciement.

En conclusion, l’employeur devra vérifier au préalable si le salarié peut se prévaloir d’une situation lui permettant d’opposer un motif légitime avant de décider de la procédure à mettre en place dans le cadre de la rupture du contrat car, si les juges écartent la présomption de démission, ils requalifieront la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse (Conseil de prud’hommes de Lyon, 21 février 2025 / n° 23/02471

Le 27 Mai 2025

Stéphane MORER