ACTE ANORMAL DE GESTION

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 Emmanuel RAVUT
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
 

MANAGMENTS FEES OU REMUNERATION ?

Managments fees

Depuis de nombreuses années maintenant, l’administration fiscale a tendance à considérer que les « managment fees », facturées par une société holding à sa ou à ses filiales dans le cadre de ce que l’on appelle généralement une « convention d’animation », ou « convention de prestations de services », ne sont pas des charges déductibles de l’IS pour la filiale concernée puisque les prestations fournies par la holding devraient en fait l’être par le dirigeant personne physique de la filiale, et que le recours à une convention d’animation ou de prestations de services constitue un acte anormal de gestion.

Rémunération

Pour tourner cette difficulté, les praticiens ont trouvé une formule : la société holding est nommée elle-même dirigeante de la filiale concernée, et la somme qu’elle facture à sa filiale n’est plus qualifiée de « managment fees » mais de « rémunération », cette rémunération étant fixée de façon souveraine par l’assemblée générale des associés de la filiale et ne pouvant de ce fait être remise en cause par l’administration fiscale.

La seule contrainte dans ce montage, est que la filiale concernée doit obligatoirement être une S.A.S., car les personnes morales, et donc la holding, ne peuvent pas être gérants de S.A.R.L.

Arrêt du 4 octobre 2023

Or, dans un arrêt très récent, en date du 4 octobre, le Conseil d’état a considéré que la conclusion par une société d’une « convention pour la réalisation de ses tâches administratives et financières, le développement de son suivi managérial, de sa politique administrative, l’amélioration de ses méthodes de travail, la mise à jour de ses outils de gestion, la gestion des évolutions légales et administratives, le contrôle de sa gestion comptable et financière, ainsi que la détermination de sa stratégie opérationnelle et de développement » pour des prestations effectuées par le co-gérant de la société prestataire et par ailleurs gérant, non rémunéré, de la société bénéficiaire des services ne constituait pas un acte anormal de gestion.

Dans cette affaire, l’administration fiscale avait estimé que la convention conclue était frappée de nullité dès lors que les missions confiées relevaient des fonctions mêmes du gérant avec lesquelles elles faisaient double emploi et avait ainsi considéré que les charges correspondantes, qui résultaient d’un acte anormal de gestion, ne pouvaient être admises comme charges déductibles de l’IS de la filiale.

La Cour administrative d’appel a également considéré que les prestations réalisées relevaient en fait des fonctions inhérentes à celles d’un dirigeant de société, sa position étant confortée par une jurisprudence constante depuis plusieurs années.

Le Conseil d’État lui, a écarté la qualification d’acte anormal (CE 4 octobre 2023, n° 466887) en considérant que la conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d’une gestion commerciale anormale, si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité rémunérer indirectement le dirigeant et qu’ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie.

Le choix d’un mode de rémunération indirect ne caractérise pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à l’intérêt de la société, il peut au contraire réduire la charge liée à la rémunération des fonctions de direction (économie sur le plan des cotisations sociales notamment).