ANTICIPER LA VENTE DU CABINET LIBÉRAL

Richard Gaudet
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
 

Depuis la création des sociétés d’exercice libéral (SEL) par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, de nombreux professionnels libéraux ont adopté ce mode d’exercice en société de capitaux, comprenant que l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés (IS) était souvent bien préférable à celui de l’impôt sur le revenu (IR).

En particulier, le professionnel libéral maîtrise sa rémunération, donc son taux d’imposition, et peut envisager des investissements financés par emprunt, sans être lourdement imposé sur le capital emprunté qui n’est pas fiscalement déductible.

La loi MURCEF du 31 décembre 1990 qui a créé les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) a permis l’avènement de sociétés holdings dans un environnement d’exercice très conservateur. Mais à la différence des SEL, les SPFPL n’ont pas connu un succès immédiat. La raison en est probablement qu’à l’instar de nombreux chefs d’entreprise, les professionnels libéraux ne comprennent pas l’intérêt d’une SPFPL, en dehors d’un contexte de rachat de société.

Il est souvent avancé que les dividendes du gérant majoritaire de la SEL, assujettis aux cotisations sociales, peuvent alors être transmis à la SPFPL sans imposition, la SPFPL redistribuant à son tour le produit de la filiale à ses associés, avec le bénéfice de la flat-tax à 30 %, donc avec des prélèvements sociaux limités à 17,2 % et non avec des cotisations sociales qui peuvent atteindre 30 %, 40 %, voire plus suivant les professions. Vrai ou faux débat ? En effet, les cotisations sociales du gérant majoritaire (qu’il s’agisse de sa rémunération courante ou de dividendes) peuvent être prises en charge par la SEL et déduites du résultat fiscal de celle-ci, alors que les prélèvements sociaux de 17,2 % sur les revenus de patrimoine restent une charge pour l’associé qui ne les déduit de rien. Un examen au cas par cas peut être entrepris mais rien ne justifie à priori la relative complexité de l’interposition d’une SPFPL pour optimiser des dividendes.

Sur le plan de la transmission du cabinet, la SPFPL peut avoir un intérêt certain, en permettant une transmission du cabinet, sans que les collaborateurs repreneurs ne payent rien. Petite explication préalable. Compte tenu de la pénurie de collaborateurs et/ou de repreneurs, un cabinet (qu’il soit exploité ou non en SEL) peut avoir une valeur « marchande » faible, alors même qu’il est rentable. C’est le cas de nombreux cabinets dentaires, mais également des cabinets médicaux ou d’avocats.

Pour motiver un collaborateur repreneur, sans que celui ne paye rien personnellement, il peut être envisagé, très en amont du départ du praticien titulaire (par exemple, 5 ans avant son départ à la retraite), la constitution d’une SPFPL qui sera constituée par l’apport des titres que le praticien détient dans la SEL. Chaque année, la SEL va distribuer un dividende qui reviendra à la SPFPL pratiquement en neutralité fiscale (régime des sociétés mères et filiales ; art. 145 et 216 du CGI). Au terme du processus (dans notre exemple 5 ans), une réduction de capital dans la SEL va permettre la sortie totale de la SPFPL. Si le collaborateur repreneur possède ne serait-ce qu’une part dans la SEL, il restera le seul associé. La dette consécutive à la réduction de capital s’exprimera par un prix fixe ou un prix variable calculé en fonction des résultats attendus, ou un mixte des deux. Elle pourra être financée par emprunt ou par un crédit-vendeur accordé par la SPFPL. Mais en tout état de cause, cette dette restera propre à la SEL ; elle ne sera supportée ni par le collaborateur repreneur, ni par une holding constituée par le repreneur, et dont celui-ci serait caution.

En définitive, la constitution d’une SPFPL en amont d’une transmission permet au collaborateur de ne rien financer personnellement, et autorise le titulaire à percevoir un prix sans doute supérieur à celui auquel il pourrait prétendre dans une vente réalisée en une seule étape, grâce à la perception de dividendes pendant la période intercalaire et à une réduction de capital bouclant l’opération.