Caducité d’un contract de location financière

Stéphane MORER
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
 

Les entreprises souscrivent très régulièrement des contrats de location longue durée notamment pour leurs matériels informatiques, photocopieurs, ou véhicules.
Ces contrats sont souscrits pour une durée déterminée qui ne peut être rompue qu’au terme contractuel.

En cas de rupture avant terme, les contrats de ce type prévoient en général que lindemnité de résiliation sera égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat, majorés des éventuels loyers impayés, voire d’intérêts complémentaires.

La location financière est un montage contractuel qui fait donc naître une situation d’interdépendance contractuelle entre le contrat de financement et le contrat conclu avec le prestataire.

Le montage classique suppose en pratique l’intervention d’au moins trois personnes.

« Un prestataire s’engage par un premier contrat à réaliser des prestations de services telles que l’installation, la mise en service, l’entretien ou le dépannage de matériels auprès d’un client.

Ce client sera partie à deux contrats.

En effet, en guise de financement du matériel, le prestataire de services lui propose qu’une autre société lui loue le matériel au lieu de l’acheter.

Cet autre professionnel, bailleur, conclura la location du matériel.

La prestation de service est conclue entre le premier professionnel et le client.

Le premier professionnel peut être celui qui vend le matériel au bailleur.

Que les deux contrats soient liés explicitement ou implicitement, ils font naître une situation d’interdépendance contractuelle puisqu’ils concourent, au moins pour le client, à la réalisation d’une opération unique. »

Dès lors la rupture de la relation contractuelle avec le prestataire peut entrainer la caducité du contrat de location financière sans que le loueur ne puisse se cacher derrière le strict respect de ses propres obligations pour éviter le prononcé de la caducité du contrat.

Il y a donc lieu d’appliquer les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1186 qui prévoit que la disparition, pour quelque raison que ce soit, d’un contrat d’un ensemble contractuel emporte caducité des contrats qui concourraient à la réalisation de la même opération.

Les deux arrêts de la Chambre commerciale du 12 juillet 2017 réaffirment le principe de l’interdépendance et de la caducité et envisagent, dans ce jeu, l’éventuel préjudice du cocontractant subissant la caducité.

Dans deux attendus de principe identiques, la Haute juridiction casse au motif que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et que la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute« .

L’alinéa 2 du nouvel article 1186 du Code civil soutient l’affirmation du principe d’interdépendance contractuelle dans la location financière. Ce dernier érige deux conditions propres à caractériser l’interdépendance contractuelle et donc l’ensemble contractuel.

Elle est établie, en premier lieu, quand  » l‘exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération » et, en second lieu, quand l’exécution d’un des contrats est « une condition déterminante du consentement d’une partie » à la conclusion des autres contrats. La location financière répond à ces deux conditions qui constituent de véritables critères. Aussi, la disparition d’un contrat implique-t-elle la caducité des autres.

Les arrêts du 12 juillet 2017 (Cass. com., 12 juillet 2017, n° 15-23.552, FP-P+B+R+I et Cass. com., 12 juillet 2017, n° 15-27.703, FP-P+B+R+I) consacrent d’ores et déjà cette solution en jugeant que « la résiliation de l’un quelconque [des contrats] entraîne la caducité, par voie de conséquences, des autres ».

Le loueur ne peut également pas se prévaloir de son absence de faute dans l’ensemble contractuel interdépendant et de l’existence de la clause pénale. 

En effet, le caractère automatique de la sanction de caducité pose la question du comportement de la partie à l’initiative de l’anéantissement de l’ensemble contractuel.

Les deux arrêts du 12 juillet 2017 s’accordent sur le fait que les prévisions contractuelles fixant les indemnités pour résiliation anticipée de contrats à durée déterminée sont caduques.

En effet, la Chambre commerciale juge que la sanction de caducité prive le contrat d’effet pour l’avenir et donc la clause d’indemnisation.

L’arrêt rendu sur le pourvoi n° 15-27.703 juge que « la résiliation de l’un des contrats avait entraîné la caducité de l’autre, excluant ainsi l’application de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation ».

La caducité est la meilleure sanction de l’interdépendance contractuelle puisqu’elle vaut, par définition, extinction des « contrats qui voient disparaître un élément nécessaire à l’opération économique qu’ils réalisent« .

L’exécution d’un ou de plusieurs contrats interdépendants étant devenue sans intérêt ou impossible, à raison de la disparition de l’un d’entre eux, toutes les clauses régissant l’exécution du ou des contrats caducs sont atteintes puisque les contrats tombent entièrement.

En outre,  la caducité est sans lien avec le comportement de l’une des parties à un ensemble contractuel.

Si tant est que la résiliation des contrats de locations intervenue à l’initiative du client soit fautive, le loueur ne peut pas solliciter le paiement des loyers prétendument impayés échus après ladite résiliation ainsi que l’application de la clause pénale.

En effet, selon une jurisprudence constante, la résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée pourra constituer une faute contractuelle de nature à donner lieu au versement de dommages et intérêts.

Toutefois, le montant d’une telle indemnisation doit être apprécié conformément au « principe de la réparation résultant de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle« .

Or, l’indemnisation du préjudice, en cas de rupture brutale de relations commerciales établies, impose à la victime d’apporter la preuve du quantum de son préjudice qui pourra être calculé, s’il est prouvé, par la différence entre le chiffre d’affaires hors taxes (HT) qu’elle aurait perçu durant le préavis non exécuté et les coûts HT non supportés durant cette période (Cass. com. 23-1-2019 n° 17-26.870 F-D, Sté RPM compagny c/ Sté Texto France ).
Le montant sera en tout état de cause moins élevé que la clause pénale prévue dans les conditions générales du loueur.