Cession de titres de société et concurrence du cédant

EMMANUEL RAVUT
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
 

Il est légitime, pour l’acquéreur des titres d’une société, de s’assurer que le vendeur de ces titres ne développe pas une activité qui viendra concurrencer la société cédée.

Cette protection de l’acquéreur peut être contractuelle (clause de non-concurrence) ou légale (garantie d’éviction)

La clause de non-concurrence

Cette protection pour l’acquéreur, prend souvent la forme d’une clause de non-concurrence que souscrit le vendeur des titres d’une société dans le cadre du protocole de cession desdits titres.

Pour que cette clause soit opposable, il est indispensable qu’elle soit limitée dans le temps (en général entre 3 et 5 ans), limitée dans l’espace (territoire sur lequel va s’appliquer la clause à définir dans l’acte de cession des titres), et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, cette dernière condition s’appliquant en fonction de la nature de l’activité de la société dont les titres sont cédés. Petite précision : contrairement au droit social, la contrepartie financière n’est pas une condition de validité d’une clause de non-concurrence en droit commercial.

Il appartient à l’avocat rédacteur de l’acte de cession des titres, de s’assurer que cette clause soit suffisamment large pour protéger l’acquéreur, sans qu’elle ne constitue une entrave à la liberté du commerce, protégée tant par le droit français que par le droit européen de la concurrence, en particulier en définissant précisément les activités soumises à la clause de non-concurrence et leurs modalités d’exercice (détention de titres, exercice d’un mandat social, fonctions salariées, prestation de services, exploitation de fonds de commerce, etc.).

La garantie d’éviction

La Garantie d’éviction, c’est la garantie que doit un vendeur à son acquéreur (art 1626 et suivants du Code civil).

Dans un arrêt très récent du 16 novembre 2022, la Cour de cassation a apporté un certain nombre de précisions sur cette garantie en matière de cession de titres de société.

La Cour a rappelé que la garantie d’éviction interdisait au cédant de titres de société de se rétablir si ce rétablissement était de nature à empêcher l’acquéreur de poursuivre l’activité économique de la société et de réaliser son objet social, et elle a précisé, pour la première fois, que l’empêchement devait concerner l’activité de la société dont les titres étaient cédés et non l’activité de l’acquéreur.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation avait également posé pour principe que, si la liberté du commerce et la liberté d’entreprendre pouvaient être restreintes par l’effet de la garantie d’éviction à laquelle le vendeur de droits sociaux était tenu envers l’acquéreur, c’était à la condition que l’interdiction de se rétablir soit proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, et en particulier si, au regard de l’activité de la société et du marché concerné, l’interdiction de se rétablir se justifiait encore au moment des faits reprochés ; la durée de cette interdiction de se rétablir dépend donc de la nature de l’activité exercée par la société cédée.

Enfin, il arrive souvent qu’à la demande de l’acquéreur des titres, le cédant continue à collaborer avec la société cédée, et la Cour a précisé que, dans ce contexte, la garantie d’éviction s’appliquait au cédant à compter de la date de cession des titres, et non à compter de la fin de sa collaboration avec la société cédée.

Le 30 décembre 2022