CONCURRENCE DELOYALE

 Emmanuel RAVUT
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
 

Nos clients patrons de PME nous interrogent régulièrement sur des problématiques de concurrence déloyale, soit lorsque l’un de leurs salariés démissionne pour monter une entreprise concurrente, ou être embauché chez un concurrent, soit lorsqu’ils ont l’opportunité d’embaucher un salarié qui va récupérer tout ou partie de la clientèle de son ancien employeur à leur profit.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la responsabilité d’une société pour détournement d’informations confidentielles d’une entreprise concurrente que lui aurait apportées un ancien salarié de cette dernière est engagée si la détention ou l’appropriation par la société de ces informations est prouvée.

En effet, l’appropriation, par des procédés déloyaux, d’informations confidentielles relatives à l’activité ou à la clientèle d’un concurrent constitue un acte de concurrence déloyale, la jurisprudence est constante, et ce même si il n’est pas prouvé que ces informations ont été utilisées par le concurrent.

Encore très récemment, la Cour de cassation a jugé que le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l’ancien salarié d’un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l’exécution de son contrat de travail constitue un acte de concurrence déloyale.

En revanche (cf. un arrêt récent de la Cour de cassation en date du 17 mai 2023), le fait qu’un ancien salarié soit en possession sur sa boîte personnelle de données de son ancien employeur ne suffit pas à établir que ces données ont été détournées par la société concurrente qu’il a ensuite créée, ou qui l’a ensuite employé ; il convient donc de prouver que ces données ont été transmises à la société ou qu’elle les détient, or cette preuve est bien évidemment très difficile à établir car les salariés démissionnaires prennent en principe la précaution de ne pas laisser de traces écrites de l’utilisation de ces informations par leur nouvel employeur ou par la société qu’ils créent.

La simple détention par une société d’informations confidentielles obtenues frauduleusement d’un concurrent suffit donc à établir la concurrence déloyale, sans que soit exigée la preuve d’un usage de ces documents, mais il faut pouvoir prouver que la société détient bien ces informations.

Il ressort également de plusieurs arrêts que la société créée par d’anciens salariés procédant à des détournements commerciaux d’une entreprise concurrente ne peut être condamnée pour des faits de concurrence déloyale qui ont été commis avant l’immatriculation de la société au registre du commerce, c’est-à-dire avant la création de la personne morale, sauf à prouver que la société a pu ensuite profiter des informations détournées par le salarié.

Quoi qu’il en soit, il demeure donc très difficile d’obtenir la condamnation d’un salarié, ou de la société qu’il crée, pour des faits de concurrence déloyale, tant ces faits sont difficiles à prouver car très rarement matérialisés par des écrits.