GAP ET/OU VICE DU CONSENTEMENT

L’acheteur des titres d’une société est protégé contre les « mauvaises surprises » d’une part par les dispositions de la convention de garantie d’actif et de passif (la « GAP ») que lui consent le vendeur lors de la vente des titres de sa société, et d’autre part par les dispositions de la loi en matière de vice du consentement.

La GAP peut être mise en jeu à chaque fois que l’acheteur des titres d’une société constate l’apparition d’un nouveau passif ou une dépréciation d’actif, dont l’origine est antérieure à la date de vente des titres.

L’acheteur se considérant comme trompé par le vendeur à l’occasion de l’achat des titres d’une société, a également la possibilité d’invoquer un « vice de son consentement » (articles 1130 et suivants du Code civil), et celui qui est le plus souvent invoqué par les acheteurs de titres de sociétés est le dol (article 1137 du Code civil) : Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Il faut rappeler que pour invoquer le dol, il faut démontrer une faute du vendeur des titres, un préjudice subi par l’acheteur et la preuve que ce sont bien les manœuvres du vendeur qui ont causé le préjudice subi par l’acheteur des titres, alors que la mise en jeu de la GAP nécessite simplement la constatation d’un nouveau passif ou d’une dépréciation d’un des actifs de la société.

Par ailleurs, et dans la plupart des cas, la GAP est « plafonnée », c’est-à-dire que l’acheteur ne peut exiger une indemnisation du vendeur pour un montant supérieur au plafond convenu, la GAP prévoit également un seuil de déclenchement, et une durée, qui encadrent en quelque sorte la mise en jeu de la GAP, toutes ces contraintes n’existant pas lors de la mise en jeu d’une action contre le vendeur des titres pour dol.

A l’occasion d’un arrêt très récent (Cass. com. 12 octobre 2022, n° 21-12702) la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que l’acheteur des titres d’une société pouvait bénéficier d’une indemnisation tant au titre de la GAP que du dol.

En l’espèce, une société est cédée avec un engagement du vendeur de garantir l’actif et le passif mais avec un plafond de 50.000 €.

Quelque temps après, l’acheteur met en jeu la GAP et réclame au vendeur des titres une somme supérieure à ce plafond. Il estime avoir été trompé par le vendeur et souligne que 50.000 € ne suffisent pas à couvrir son préjudice.

La cour d’appel lui accorde uniquement 50.000 € en retenant que la comptabilisation des
stocks TTC, enjeu du litige, constituait une pratique habituelle dans la société.

La Cour de cassation censure, les juges d’appel n’ayant pas, selon elle, répondu au grief de l’acheteur. La cour d’appel va donc devoir statuer à nouveau et dire si la comptabilisation des stocks TTC constituait une violation tellement flagrante des principes de comptabilité qu’elle ne pouvait être ignorée du vendeur qui aurait dû en informer l’acheteur, et que nous sommes bien en l’espèce, en présence d’un dol, et si tel le cas, l’acquéreur trompé pourra obtenir la réparation complète de son préjudice, au-delà du plafond fixé par la GAP.

Emmanuel Ravut