GARANTIE D’EVICTION

VENTE DE TITRES DE SOCIETE ET GARANTIE D’EVICTION

Les articles 1626 et 1628 du Code civil, qui sont applicables à toute vente, sont bien sûr applicables aux ventes de titres de société, quelles que soient les
dispositions du protocole de cession et de la garantie d’actif et de passif signés lors de la vente des titres.

En vertu de ces articles, le vendeur de titres de société doit garantir l’acheteur de toute éviction qui lui est personnellement imputable, et en particulier il lui est interdit de se rétablir en concurrençant la société dont il a cédé les titres.

Dans un arrêt très récent, du 10 novembre 2011, la Cour de cassation rappelle les contours et les limites de cette garantie d’éviction et de cette interdiction de concurrence.

En l’espèce, l’acheteur d’une société éditant des logiciels a agi en garantie d’éviction contre les vendeurs, en leur reprochant d’avoir créé, trois ans après la vente, une société dans le même domaine d’activité, proposant un produit concurrent en se réappropriant une partie du code source d’un logiciel, et en débauchant le personnel qui était essentiel à l’activité de la société vendue.

La Cour d’appel de Paris a considéré que de ce fait, les vendeurs des titres de la société avaient bien manqué à leur obligation de garantie d’éviction vis-à-vis de l’acheteur, leurs agissements ayant abouti à un détournement de la clientèle vers la nouvelle société à la suite d’une procédure d’appel d’offres à laquelle celle-ci avait répondu.

La Cour de cassation considère que la Cour d’appel n’a pas recherché concrètement si, au regard de l’activité de la société dont les actions avaient été cédées et du marché concerné, l’interdiction de se rétablir se justifiait encore au moment des faits reprochés, c’est-à-dire en l’espèce plus de trois ans après la cession des titres.

La Cour de cassation a retenu, à plusieurs reprises, à la charge du vendeur de titres de société, une interdiction de commettre des actes de nature à constituer des reprises ou des tentatives de reprise du bien vendu ou des atteintes telles qu’elles empêchent l’acheteur de poursuivre son activité, mais pour la première fois, la Cour de cassation pose l’exigence de la proportionnalité de l’interdiction de rétablissement résultant de la garantie d’éviction aux intérêts légitimes à protéger et elle en déduit que cette garantie comporte une limite dans le temps.

 

Emmanuel Ravut