Emmanuel Ravut & Claire Touchon
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
Le projet de loi de finances pour 2026 déposé le 14 octobre sera examiné et soumis à discussion pour une adoption finale prévue le 24 novembre. Il contient un certain nombre de mesures pouvant intéresser les entreprises telles que :
- L’accélération de la suppression progressive de la CVAE à 2028 au lieu de 2030
- La limite de bénéfice imposable au taux réduit de 15% serait portée de 42 500 euros à 100 000 euros pour les PME
- Les seuils de franchise en base de TVA seraient modifiés : un seuil de 25 000 euros serait applicable au secteur du bâtiment (CA afférant aux prestations de services de travaux immobiliers : construction, démolition, travaux d’équipement des immeubles, travaux de réparation ou de réfection pour la remise en état d’un immeuble ou d’une installation de caractère immobilier) et un seuil de 37 500 euros serait applicable aux autres activités
- Nouvelles exonérations dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV)
- L’alourdissement de la fiscalité des véhicules (taxe sur l’immatriculation, taxes sur l’affectation des véhicules de tourisme à des fins économiques, suramortissement des poids lourds et véhicules utilitaires légers)
- Révocabilité de l’option pour le barème progressif (RCM et plus-values mobilières)
- Rationalisation de nombreuses niches fiscales : exonération des indemnités journalières pour affection de longue durée ; réduction d’impôt pour frais de scolarité ; aide forfaitaire pour le permis de conduire des apprentis seraient supprimées et régularisation des comptes personnels de formation, etc.
La mesure qui suscite de nombreuses interrogations et sur laquelle il convient de s’attarder est l’instauration d’une « taxe sur les actifs non affectés à une activité opérationnelle des holdings patrimoniales ».
Cette taxe, qui poursuit un objectif de lutte contre les stratégies de détournement de l’impôt, permettrait de taxer au taux de 20% les actifs non professionnels détenus par les holdings patrimoniales dont les actifs ont une valeur vénale excédant 5 millions d’euros.
Bien que cette mesure soit encore susceptible de faire l’objet de débats parlementaires, il convient de présenter son champ d’application et son fonctionnement.
Champ d’application
Sont concernées les sociétés françaises et étrangères, cotées ou non cotées, ayant leur siège en France, et, de plein droit ou sur option, assujetties à l’IS.
Sont également concernées les sociétés dont le siège est établi hors de France si une personne physique détenant une participation supérieure ou égale à 50% a son domicile fiscal en France. Dans ce cas, c’est cette personne physique et non la société qui sera le redevable de la taxe.
Précision : La personne physique dont il est tenu compte s’entend du cercle familial, ainsi, une personne physique et son conjoint ou son partenaire lié par un pacte de solidarité ou concubin notoire, leurs ascendants, leurs descendants, ou leurs frères et sœurs sont réputés constituer une seule personne physique.
La valeur vénale des actifs détenus par la société doit être supérieure ou égale à 5 millions d’euros.
La société réalise plus de 50 % de revenus passifs (dividendes, intérêts, loyers, redevances de droits d’auteurs, loyers et produits de cession d’un bien générant de tels revenus…). Les produits provenant d’une convention de gestion autorisée sont exclus du dispositif à certaines conditions.
La holding ne doit pas être contrôlée directement ou indirectement par une autre société soumise à la même taxe.
Fonctionnement de la taxe
La taxe ne porterait que sur le patrimoine non affecté à une activité opérationnelle et son application est prévue pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2025 et du 31 décembre 2026 pour les personnes physiques.
Le taux de la taxe serait de 20%.
L’assiette de la taxe avait initialement une portée très large dans le but de lutter contre l’optimisation fiscale. Le dernier amendement adopté par l’Assemblée Nationale vient de restreindre le champ d’application à une liste de biens somptuaires afin d’en exclure notamment la trésorerie des holdings.
Sont ainsi concernés :
- Les biens affectés à l’exercice non professionnel de la chasse et de la pêche
- La valeur nette des amortissements des véhicules de tourisme non affectés à une activité professionnelle, les yachts, bateaux de plaisance à voile ou à moteur
- Les aéronefs (avions) non affectés à des prestations de service aériens à titre onéreux
- Les biens mentionnés à l’article 150 VI (métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité) dès lors qu’ils ne font pas l’objet d’une mise à disposition ou d’une ouverture au public
- Les chevaux de course ou de concours
- Les vins et alcools
- Les logements et résidences mis à disposition, même partiellement, aux personnes physiques associées de la société visée par cette taxe
Redevables et formalités déclaratives
La taxe serait recouvrée selon les mêmes modalités qu’en matière d’IS lorsqu’elle serait due par une personne morale et selon les mêmes modalités qu’en matière d’IR lorsqu’elle serait due par une personne physique.
Ainsi, si la société a son siège en France, elle devra joindre une annexe à sa déclaration de résultat. Si la société a son siège hors de France, les personnes physiques résidentes fiscales de France qui contrôlent la société seront redevables de la taxe, et devront la déclarer lors de leur déclaration annuelle des revenus.
Si cette taxe a suscité de nombreuses interrogations, il semble que l’on puisse relativiser sa portée aux vues des derniers amendements dont elle a fait l’objet et qui viennent non seulement restreindre ses conditions d’application mais surtout son assiette. Par ailleurs, d’autres débats parlementaires devraient encore intervenir et le texte pourrait aussi faire l’objet d’une censure par le Conseil Constitutionnel.
En tous les cas, cette taxe ne devrait concerner qu’un nombre limité de holdings patrimoniales à forte valeur d’actifs, et n’aura donc pas d’incidence directe pour la majorité des PME opérationnelles.
Le 4 Novembre 2025
Emmanuel Ravut & Claire Touchon