Richard GAUDET
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
Lorsqu’un bien immobilier appartient à une SCI, le vendeur peut avoir intérêt à céder les parts plutôt que le bien immobilier lui-même. C’est notamment le cas lorsque le vendeur possède les parts de la SCI depuis plus longtemps que la SCI ne possède l’immeuble ou encore, lorsque les parts de la SCI ont été recueillies dans une succession, le prix de revient des parts pouvant alors s’avérer plus significatif que celui de l’immeuble pour le calcul de la plus-value.
Le plus souvent, l’arbitrage du vendeur repose sur des considérations fiscales, lesquelles ne concordent pas forcément avec les intérêts de l’acheteur, celui-ci pouvant éprouver plus de difficultés à faire financer l’achat de parts par un établissement de crédit et offrir à celui-ci les garanties demandées.
Mais il est des cas où intérêt du vendeur et intérêt de l’acheteur se rejoignent, cette convergence pouvant reposer sur des considérations juridiques aussi bien que fiscales.
I – Motifs juridiques :
– La préemption de la commune :
Lors d’une vente immobilière, la plupart des communes sont dotées d’une prérogative de préemption du bien. Dans le cas d’une cession de parts de SCI portant sur la majorité du capital de cette dernière, le droit de préemption communal (DPU) ne s’applique pas obligatoirement.
En effet, les SCI concernées sont celles qui détiennent une seule unité foncière, c’est-à-dire un bien immobilier formé d’une ou plusieurs parcelles de terrain contiguës appartenant au même propriétaire. Si la SCI ne détient qu’un bien dans une copropriété verticale, le DPU ne s’applique pas. De même, si la SCI détient des terrains non contigus ou les parts d’autres SCI, le DPU est exclu.
Le DPU ne s’applique pas davantage si la cession ne porte pas sur la majorité du capital ou lorsque la vente intervient uniquement entre parents et alliés jusqu’au 4e degré inclus.
– La préemption du locataire :
Si le bien vendu est loué, il existe deux types de droit de préemption du locataire suivant la nature du bien. Si le locataire est une entreprise à laquelle a été consenti un bail commercial, celle-ci bénéficie d’un droit de préemption qu’elle tient de l’article L 145-46-1 du Code de Commerce. Lorsque le bien est à usage d’habitation et constitue la résidence principale du locataire, la loi offre à celui-ci la possibilité d’exercer un droit de préemption qu’il tient de l’article 15.II de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le logement doit être cédé libre de toute occupation.
Or, le droit de préemption du locataire commercial, tel que prévu par l’article L145-46-1 du Code de commerce, ne vise que la vente du local commercial lui-même, non la cession de droits sociaux.
En ce qui concerne le locataire d’habitation, la jurisprudence considère que la cession de parts sociales d’une SCI ne déclenche pas le droit de préemption du locataire d’habitation (CA Orléans, Chambre commerciale, 16 mai 2019, n° 18/00982), sauf si la société a pour objet l’attribution en propriété ou en jouissance des locaux à ses associés. La Cour d’appel de Paris précise quant à elle que la fraude à la loi peut conduire à l’inopposabilité de la cession de parts au locataire, mais non à son annulation (CA Paris, 29 mai 2018, n° 17/00130).
II – Motifs fiscaux :
Lorsque l’acquéreur envisage une revente rapide du bien, l’acquisition des parts de la SCI peut être une aubaine, notamment lorsque la SCI possède son bien depuis plus de 30 ans, la cession étant alors entièrement exonérée de plus-value.
Mais attention à ne pas être considéré comme un marchand de biens, ce qui rendrait la SCI imposable à l’impôt sur les sociétés. Certes, une seule opération d’achat-revente n’est pas en principe considérée comme spéculative car la condition d’habitude fait défaut. Toutefois, les opérations effectuées personnellement par les associés peuvent être prises en considération si ces associés réalisent d’autres opérations de marchand de biens.
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L’achat de parts de SCI est une opération plus complexe qu’il n’y paraît. En achetant des parts de société, l’acquéreur acquiert un immeuble mais également un éventuel passif (dettes fiscales, dettes fournisseurs…). Il faut donc rédiger une convention de garantie d’actif et de passif et s’assurer que celle-ci sera pleinement efficace en demandant au vendeur des garanties (caution bancaire ou garantie à première demande par exemple).
Il conviendra également de commander une fiche d’immeuble et purger les éventuelles garanties prises sur le bien de la SCI (hypothèques et privilèges).
Le 31 Octobre 2025
Richard GAUDET