TRAJET DOMICILE-TRAVAIL : TEMPS DE TRAVAIL ?

TEMPS DE DEPLACEMENT DOMICILE / TRAVAIL DES SALARIES ITINERANTS : TEMPS DE TRAJET OU TEMPS DE TRAVAIL EFECTIF

Stéphane MORER
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
 

Selon l’article L. 3121-4 du Code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif et n’ouvre droit à une contrepartie sous forme de repos ou de compensation financière que dans l’hypothèse où il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.

Son application est plus complexe en ce qui concerne les salariés itinérants, tels que les commerciaux ou encore les techniciens d’intervention par exemple, la Cour de Cassation n’ayant pas la même position que la CJCU sur ce sujet.

La Cour de cassation considérait que le temps de trajet entre le domicile d’un salarié itinérant et le lieu de travail ne constituait pas un temps de travail effectif et ne pouvait donner lieu qu’à contrepartie (financière ou sous forme de repos) (Cass. soc., 14 nov. 2012, n° 11-18571,  Cass. soc., 24 sept. 2014, n° 12-29209).

De son côté, la Cour de Justice de l’Union Européenne a considéré que les dispositions européennes devaient être interprétées en ce sens que lorsque les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du temps de travail, « le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur »  (CJUE, 10 sept. 2015).

La Cour de cassation semble, dans un arrêt du 23 novembre 2022, s’être aligné sur la position de la CJUE en considérant que le temps de déplacement d’un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients peut, sous conditions, être reconnu comme du temps de travail effectif et non pas du temps de trajet.

Toutefois, la Cour de Cassation a adopté cette position car le salarié, pendant son temps de déplacement, restait à la disposition de l’employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles, gérait des appels clients, fixait des rendez-vous et se conformait aux directives de l’employeur.

Le véhicule mis à sa disposition était d’ailleurs doté d’un kit main libre et son activité l’amenait à se rendre dans les locaux de la société que très occasionnellement.

La portée de cet arrêt de revirement ne semble donc pas générale.

Il sera pris en compte les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif.

En cas de litige, le juge devra vérifier si, pendant ce temps de trajet, le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

En revanche, si les conditions sont réunies, ce temps de déplacement pourra entrer dans le décompte des heures supplémentaires.

Outre la mention de ces heures supplémentaires sur les bulletins de salaires, l’employeur devra également surveiller si le salarié dépasse le contingent annuel d’heures supplémentaires fixé par la convention collective applicable afin de lui faire bénéficier de son repos compensatoire.