TRANSFORMATION DE LA FORME JURIDIQUE DE LA SOCIETE JUSTE AVANT LA VENTE DE SES TITRES

Emmanuel RAVUT

Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés

Lors de la plupart des opérations de cession de titres de sociétés qui ont une forme juridique de S.A.R.L., l’acquéreur demande au cédant de transformer préalablement la société dont les titres sont vendus en S.A.S.

En effet, pour prendre un exemple simple, si vous achetez les titres composant 100 % du capital d’une S.A.R.L. moyennant un prix global de 900.000 €, le montant des droits d’enregistrement que vous aurez à régler au Trésor public s’élèvera à 26.310 € (900.000 € – un abattement forfaitaire de 23.000 € x 3 %), tandis que si vous achetez la même société après sa transformation en S.A.S., vous n’aurez plus que 900 € (900.000 € x 0,1 %) à verser au Trésor public.

Même si la transformation en S.A.S. a un coût (environ 4.000 € HT pour les honoraires de votre avocat + ceux du Commissaire à la transformation + les frais de greffe et d’annonces légales) cette transformation vous aura permis tout de même d’économiser plus de 22.000 €, en sachant que vous auriez probablement malgré tout décidé de transformer la société achetée en S.A.S. pour des questions de simplicité de fonctionnement plus adaptées après son acquisition.

Se pose toujours la question du « timing » des opérations pour s’assurer que la transformation soit opposable à l’administration fiscale lors du paiement des droits d’enregistrement par l’acheteur des titres.

Or, la Cour de cassation vient de répondre très récemment (Cass. com. 18-12-2024 n° 23-21.435 F-B, Sté Cegid c/ DRFiP de Provence-Alpes-Côte d’Azur) en rappelant que les droits d’enregistrement d’une cession de titres de société sont déterminés selon la nature juridique des titres à la date du transfert de propriété, peu important qu’une transformation antérieure à la vente des titres de la société n’ait pas été publiée au RCS à la date de la vente des titres.

En l’espèce, le lendemain de la transformation d’une S.A.R.L. en S.A.S., tous les titres d’une société avaient été cédés et l’acquéreur avait enregistré la cession au service des impôts en réglant les droits d’enregistrements selon le tarif applicable aux cessions d’actions de S.A.S., puis l’administration fiscale avait ensuite procédé à un rappel de droits d’enregistrement supplémentaires par application du tarif prévu pour les cessions de parts sociales.

La cour d’appel de LYON avait confirmé, mais dans son arrêt du 18 décembre 2024, la Cour de cassation censure cette décision en rappelant que les droits d’enregistrement applicables à une cession de droits sociaux sont liquidés selon la nature de ces droits déterminée à la date du fait générateur des droits d’enregistrement, laquelle correspond à la date du transfert de propriété ; il importe peu que, à la date de la soumission de l’acte de cession des titres à la formalité d’enregistrement, la transformation dont la société a fait l’objet antérieurement n’ait pas été publiée au RCS.

Il n’est enfin pas inutile de rappeler que la transformation d’une S.A.R.L. en S.A.S. juste avant la vente de ses titres ne constitue pas un abus de droit au sens de l’article L 64 du Livre des procédures fiscales, sous réserve bien évidemment que la société concernée n’ait pas repris sa forme initiale après la cession (Cass. com. 10-12-1996 no 94-20.070 P : RJDA 2/97 no 214 ; BOI-ENR-DMTOM-40-10-10).

Le 31 Janvier 2025