SYNTEC: modalités de rémunération et d’organisation du temps de travail

Suite aux contestations par le Comité Européen des Droits Sociaux du dispositif français du forfait-jours, la Cour de cassation a été amenée à annuler les dispositions de la convention collective SYNTEC dans la mesure où elle considérait que les modalités d’octroi ne respectaient pas les procédures de garantie qui devaient être accordées aux salariés.

Les partenaires sociaux ont été amenés à modifier lesdites modalités afin de respecter la décision de la Cour de cassation.

A défaut de respecter les procédures de garanties mises en place, l’employeur prenait le risque de voir un salarié bénéficiant d’un forfait-jours en contester la validité et solliciter le paiement d’heures supplémentaires pour les heures effectuées au-delà des 35 heures hebdomadaires.

La chambre sociale de la Cour de cassation s’est intéressée aux modalités d’organisation du temps de travail telles que décrites dans l’accord du 22 juin 1999.

Elle a, en effet, interprété strictement ces modalités en référence aux dispositions conventionnelles (Cass. Soc 4 novembre 2015 n°14-25.745).

Il ressort de cet arrêt que seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la Sécurité Sociale peuvent relever de la modalité d’organisation du temps de travail « réalisation de missions ».

Il faut savoir qu’au 1er janvier 2016, le plafond de la Sécurité sociale mensuel s’élève à 3218 euros.

C’est donc la rémunération minimale que doit verser un employeur à un cadre s’il entend lui faire bénéficier du dispositif pour lequel les horaires sont soumis à une variation dans la limite maximum de 10% pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, soit un maximum de 38,30 heures ; étant précisé que cette comptabilisation doit se faire dans un maximum de 219 jours par an.

Cette disposition de la convention collective SYNTEC précise que le personnel concerné par cette modalité de calcul du temps de travail doit bénéficier d’une rémunération au moins égale à 115% du minimum conventionnel de sa catégorie.

L’employeur doit donc vérifier que la rémunération du salarié concerné doit être supérieure ou égale aux deux limites précédemment exposées : le plafond de la Sécurité Sociale et 115% de la rémunération minimale conventionnelle.

Il apparaît donc que, par application de la règle des 115%, les cadres pouvant bénéficié de cette modalité de temps de travail sont ceux ayant à minima la classification position 2.3 coefficient 150.

3031,50 x 115% = 3486,22 euros : cette rémunération est donc supérieure au plafond de la Sécurité Sociale de l’année 2016.

Ne peuvent donc être concernés par cette modalité de calcul du temps de travail que les ingénieurs et cadres ayant 6 ans de pratique ou ceux d’une classification supérieure auxquels l’employeur n’aurait pas appliquer un forfait-jours.

Les classifications inférieures qui ne perçoivent pas une rémunération au moins égale au plafond de la Sécurité sociale, via la majoration de 115% de leur salaire minimal conventionnel, ne peuvent donc pas bénéficier de cette modalité de temps de travail, sauf à ce que l’employeur accepte de verser un salaire mensuel d’au moins 3218 euros, notamment à un cadre débutant dont l’embauche constituerait la première expérience professionnelle.

La Cour de cassation précise également que l’accord d’un salarié dont la rémunération ne dépasse pas ce plafond est insuffisant pour que ce dernier soit soumis à la modalité « réalisation de missions ».

En effet, elle rappelle le principe selon lequel les salariés ne peuvent renoncer aux droits qu’ils tiennent de la convention collective.

Dès lors, sauf à verser un salaire nettement supérieur à ce qui est prévu par la grille de rémunération conventionnelle, les cadres dont la classification est comprise entre la position 1.1 coefficient 95 et la position 2.2 coefficient 130 ne peuvent bénéficier de cette disposition. Ils doivent donc être soumis aux 35 heures, étant précisé que toute heure accomplie au-delà génère le paiement en numéraire ou sous forme de repos compensateurs équivalent en heures supplémentaires.

Si l’employeur applique aux salariés cette modalité d’organisation du temps de travail sans que leur rémunération atteigne le plafond de la Sécurité Sociale, il prend le risque d’être attrait devant le Conseil des Prud’hommes et d’être condamné, au profit du salarié, au paiement des heures supplémentaires réalisées. Il prend éventuellement le risque, si la saisine du Conseil des Prud’hommes fait suite à une rupture du contrat de travail, au paiement d’une indemnité égale à 6 mois de salaire au titre du travail dissimulé.

S’il est vrai que certaines Cours d’Appel rejettent cette dernière demande au motif que la preuve de l’élément intentionnel n’est pas apporté, la Cour de cassation, de son côté, restreint au fur et à mesure cette échappatoire pour l’employeur à une condamnation sur ce fondement.

En revanche, ne seront pas soumis à la même problématique les cadres concernés par le forfait annuel en jours, anciennement dénommé « réalisation de missions avec autonomie complète ».

En effet, seuls sont concernés les cadres position 3.

Il est donc impossible de le prévoir dans le contrat de travail d’un cadre relevant de la classification position 2.

Mais, à la différence des cadres pouvant se voir appliquer la modalité « réalisation de missions », les cadres soumis au forfait-jours doivent relever au minimum de la position 3 de la classification et percevoir une rémunération au moins égale à 120% du salaire minimum conventionnel ou bénéficier d’une rémunération supérieure à 2 fois le plafond de la Sécurité sociale.

Il s’agit manifestement de conditions alternatives pour permettre à un cadre de position 3 de bénéficier d’un forfait-jours sans que sa rémunération ne soit obligatoirement égale à 6436 euros mensuels.

L’employeur devra vérifier respecter le montant de la rémunération versée au salarié pour lui faire bénéficier des modalités de temps de travail « réalisation de missions » ou du forfait-jours.

Une autre solution autorisée par le droit du travail serait la mise en place d’un forfait hebdomadaire ou mensuel en heures, à condition de ne pas dépasser bien évidemment la durée maximale légale de travail.

Pour cela, il faut que l’employeur soit en mesure de déterminer l’amplitude de travail de ses cadres sur la semaine pour déterminer le montant du forfait d’heures dont il a besoin.

Il conviendra de verser au salarié une rémunération plus favorable que le montant du salaire minimal conventionnel majoré des heures supplémentaires réalisées.

Ainsi, un cadre position 2.2 coefficient 130 dont la rémunération serait supérieure à 3002,49 euros peut se voir appliquer une convention de forfait hebdomadaire pour exécuter 39 heures hebdomadaires sans avoir à consentir de RTT.

Il reste enfin la possibilité de prévoir dans le contrat de travail que le salarié perçoive une rémunération calquée sur le minimum conventionnel et que les heures supplémentaires soient rémunérées soit en numéraire, soit en temps de repos à condition d’appliquer au temps de repos les majorations légales et conventionnelles en vigueur identiques au calcul des heures supplémentaires en numéraire.

Lucile DOUCHET                                                    Stéphane MORER